SOLILOQUE EN 415

“Le gouffre entre ce que tu es pour les autres et ce que tu es pour toi-même”, dira-t-elle

Dans Soliloque en 415, une femme, chanteuse, actrice, mannequin – une sorte d’icône à la blondeur anachronique – entre en scène et salue son public. Elle se lance dans l’exercice du récital de chant lyrique. Et puis tout d’un coup, c’est l’abysse. Elle se sent comme une petite barque qui part à la dérive… Comment continuer? Dès lors, l’irrégularité, le mouvement et la démesure propres à l’époque baroque, s’emparent de la représentation. Tout en défiant les conventions de ce cérémonial qu’est le récital, cette femme multiface nous invite avec ironie, à découvrir la vitrine des images que l’on projette sur elle et son art du drapé.
La définition dit : « le diapason c’est la hauteur nominale du son qui sert de référence pour l’accord des voix et des instruments ». Cette hauteur a varié au fil du temps en fonction de l’évolution des instruments. Depuis 1953, la hauteur du “la”, note de référence, est fixée à 440 Hertz. Au 17e et 18e siècle, elle était admise à 415 Hz, c’est-à-dire plus grave.
En continuant à chercher dans les arcanes de ce langage, on se rend compte que le terme baroque vient du portugais barroco, qui désigne « des perles aux formes étonnantes ou imparfaites ». L’intention première de cette création c’est peut-être ça : tenter de mettre en scène l’invisible d’un récital en voguant sur les ondulations du baroque qui laisse place à l’imperfection, aux capotages, pour s’éloigner de la voix trop sûre d’elle et triomphante.
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Dans cette pièce, théâtre et chant s’enchevêtrent. Nous partons de la situation d’un récital lyrique et nous mêlons des chants de répertoires et de langues différentes, à un jeu scénique qui déconstruit les rigidités formelles, en les poussant à l’extrême. En même temps, nous nous inspirons de textes de films, de poésies, de romans et d’essais que nous avons pillés de part et d’autre, pour les faire renaître sous une autre forme. Nous cherchons à restaurer le doute, à céder la parole aux silences et aux intermezzos, en déconstruisant le caractère cérémonial du récital lyrique, d’un tournage de pub ou d’un shooting photos, où le visage semble figé à jamais dans la perfection d’un rictus.
En s’inspirant de scènes de Bergman, Truffaut, Fellini, Almodovar, l’actrice remonte la piste de son angoisse qui la paralyse et se souvient de son enfance: une sorte d’île où elle n’avait qu’à se dissoudre dans le désir des autres. Adulte, elle continue à penser qu’il n’y a que l’autre qui peut la dévoiler à elle-même et elle s’efforce, chaque fois un peu plus, à devenir l’image d’une image de l’image que les gens ont quand ils la voient. Dès lors, il y a un jeu autour de la fonction symbolique du spectateur, qui incarne tour à tour, l’œil du photographe, celui de la caméra et du psychanalyste. Qui manie l’image tient l’humain à sa merci, dit-on, car elle interroge, en contrepoint, l’insaisissable.
Répertoire:
Ma belle si ton âme, Anonyme
Silenziu d’amuri, Alfio Antico
Hor que tempo di dormire, Tarquino Merula
Enfin il est en ma puissance, J.B Lully
Youkali, Kurt Weil
Dido’s Lament, Purcell
Quand tu chantes, Nana Mouskouri

Du 18 au 20 décembre

à 19h
Collectif Grand Canal
Jeu et écriture LAURA MALVAROSA
Mise en scène et écriture LYNDA MEBTOUCHE
Assistante mise en scène KATIE MAZZINI
Scénographie ELSA STROOM
Création Lumière EDUARDO JIMENES CAVIEREZ
PARTENAIRES
L’arbre qui marche, France Espacio Checoeslovaquia, Chili Teatro Novedades, Chili Festival La Mascarade, France