COMPAGNIE LESOEURS

Alice Etienne fonde la Compagnie Lesoeurs en mai 2022, à sa sortie du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris pour créer des spectacles résolument inclusifs, joyeux, et s’inscrivant dans des dynamiques de travail collaboratives et sororales. En 2023, elle crée son premier spectacle, Rocky 6, une comédie sur l’intersexuation et la boxe. Au départ de chaque spectacle de la Compagnie Lesoeurs, il y a une question : est-ce que cette image, ce mot, ce son, cette sensation, manque à nos imaginaires ? Nous aimons partir de sujets sensibles, tabous, marginaux, brûlants et les ramener vers la joie. Par l’humour et une approche jouissive des corps sur scène, l’idée est toujours de créer des pièces universellement touchantes. Pas de tract politique, de leçon de morale ou de démonstration pédagogique ; nous n’engueulons jamais le public. Les spectateur·ices partent toujours du même endroit que le personnage principal et c’est ensemble qu’iels empruntent un chemin vers l’ouverture d’esprit. Pour autant, Lesoeurs cherche la rigueur dans ses réflexions féministes et dans le travail de documentation qui colore chaque phase d’écriture. L’idée est de cerner les contours précis de situations existantes, les mettre en fiction, les mettre en scène, se détachant, en toute liberté, d’impératifs d’exhaustivité ou de réalisme politique, et d’investir pleinement cette mise en lumière. Pour nous, l’intime est politique mais le meilleur moyen de déstigmatiser, dégenrer, dé-ranger, c’est de faire rire et pleurer. Nos thèmes de prédilection sont trop souvent relégués à des terminologies et/ou des registres – dits de minorités sexuelles. Or, nous n’établissons jamais de périmètre lorsque nous écrivons. Ni ne recherchons une pureté dans le traitement des sujets. Il en va de même pour le ton ; il n’y a pas de mots nobles ni de phrases simples. Nous avons un souci de l’épure et, souvent, de l’autodérision. Toute la démarche de la Compagnie repose sur des dynamiques colectives et inclusives, de colaboration à l’écriture et de bienveilance dans les interactions au plateau. Pour que la scène puisse refléter la pluralité de nos vies et même en inventer d’autres, il faut permettre à celleux dont le point de vue ou les corps ne sont pas dominants, de s’exprimer.

AU LABO

du 10 au 14/03/25

Titre du projet:

Lost in Vatican

1990
Au Vatican, des milliers de catholiques du monde entier affluent vers la Place Saint-Pierre pour Pâques. Christine, 17 ans, est novice et porte l’habit de bonne-soeur. Elle est venue avec son couvent, celui dans lequel elle a grandi en Lorraine sous la protection de Thérèse-Marie, décédée quelques semaines avant le voyage. Soeur Elizabeth est devenue Mère supérieure et le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’elle entend faire de Christine, un peu trop rebelle à ses yeux, un peu trop gâtée à son goût, une franciscaine raisonnable. La jeune femme a d’autres projets pour conjurer la rigueur ; un voyage à Paris, sur les traces de sa naissance et de son recueillement par Thérèse-Marie. Elle y pense comme à une fuite nécessaire, provisoire, afin de pleinement mûrir ses voeux, de vivre son deuil. Elizabeth pète-sec, s’y oppose sèchement. Dans les ruelles bondées, troublée par un énième conflit avec la fucking Révérende Mère, bouffie par son chagrin, Christine perd ses sœurs de vue. En demandant son chemin, elle fait la connaissance de deux bonnes-sœurs enjouées, un peu bizarres… qui marchent à contresens de la grande messe : elles remontent à Parigi ! L’évocation de la ville saisi Christine, la frappe au coeur. Sur un coup de tête et de (des)espoir, Christine décide de les suivre. Si elle doit prononcer ses voeux solennels dans quelques semaines, elle ne le fera pas vide de sens et d’expériences. Dans la Twingo qui les mène vers la capitale, les sœurs enlèvent robes, chapelets et voiles. Christine découvre, stupéfaite, des visages masculins, ceux de Jérôme et de Lukas, des paillettes et leurs poils… ils sont en fait des militants homosexuels, en passe de fonder leur propre couvent, Les Sœurs de la Perpétuelle Tolérance. Nous ramenons joie et bienveillance à celles et ceux que la religion a oublié. Christine, qui n’a connu que la campagne et les matines, sait à peine que deux hommes peuvent s’aimer… La jeune femme se braque, descend Porte de La Chapelle, mais comme la vie est bien faite, les aventures ne font que commencer et le destin de Christine va immanquablement se nouer autour du courage, de l’humour et du don de soi de Jérôme, Lukas et Karen, une protestante lesbienne, qui va réveiller chez la novice quelque chose proche de la passion (et pas celle du Christ). À Paris, Christine va découvrir que les Sœurs de la Perpétuelle Tolérance utilisent l’exubérance et les performances costumées pour fréquenter les endroits de sociabilité gay, prévenir du sida, tenter de protéger et accompagner celles et ceux que l’on voudrait pétri•e•s de honte. Alors certes, le tout et le ton ont de quoi décoiffer, mais la jeune femme va trouver, enfin, une place désirable. Entre son talent pour coacher la confession et la revendication de son deuil, Christine partage avec ces soeurs un même besoin d’exulter, tout en étant inconsolables. Dans cet effervescence queer, au beau milieu des nuits et de ses secrets, un dilemme se dessine cependant. La foi de Christine est catholique, mais son coeur la retient dans le Marais. Quels voeux alors, finira-t-elle par prononcer ?